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Stratégie révolutionnaire

Notes préparatoires à une conférence au Mallouestan (2/2)

Par
ATR
15
September
2025
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Nous publions ici le brouillon remanié d'une conférence donnée à l'été 2024, aux universités d'été anarchistes et antispécistes du Mallouestan.
Comme souvent dans ce genre de moment, l'oralité et les interventions curieuses du public ont créé une toute autre discussion que celle planifiée par les questions. L'occasion de revenir en profondeur sur celles-ci (éco-fascisme, anarchisme, anti-spécisme, divergences stratégiques, etc).
Cette seconde partie de questions traite surtout de stratégie.

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  1. Quelle perspective et quel modèle de société pour l'avenir ?

a) Toute solution proposée aujourd’hui, dans le contexte matériel de la société industrielle, deviendra inutile quand la société industrielle disparaîtra. Nous pouvons détruire la société industrielle, mais pas prédire ou contrôler la forme que la nouvelle société prendra.
Cette question me déroute donc, parce qu’aucun matérialiste ne peut y répondre. Celui qui annonce ici à quoi ressemblera le monde de demain serait soit menteur soit futur dictateur.

b) Notre mouvement n’a pas la prétention de fournir la vérité, le meilleur modèle au monde, mais celle de fournir la possibilité aux individus de conserver leurs conditions de vie, de construire quelque chose de viable, qui fait sens pour eux.
Mais toute préparation stratégique s’accommode bien de lignes directrices, tant qu’elles ne gênent pas l’objectif principal (le démantèlement). Le « programme » d’ATR est ainsi une projection dans l’avenir, un avenir que nous souhaiterions libertaire et paysan.

Dans cette perspective d'autonomie, on peut également imaginer la reconquête des animaux, des plantes, des forêts, des poissons, des insectes, le réensauvagement d’immenses territoires, une explosion de diversité culturelle et biologique, le grand retour de la faune sauvage, la possibilité pour les peuples autochtones et pour nos descendants de vivre dignement, de goûter à la beauté, d’expérimenter la liberté.

Rappelons cependant que l’on ne peut rien construire sans détruire ce qui nous tue. Quelque soit votre conviction, aucun programme n’est applicable dans un monde à +10C°.

  1. Ces idéaux peuvent-ils être réalisés malgré les contraintes matérielles (individualisme, + déchets nucléaires, chute de la biodiversité et espèces envahissantes imposent peut-être une planification) ? Auquel cas comment ?

a) J’ai un peu répondu auparavant : il n’est pas possible de lire l’avenir et il n’est pas possible de créer une alternative sans détruire l'industrialisme.

Comme le disait l'Atelier Paysan, « pour revenir à la Terre, il va falloir enlever du bitume et avant, il va falloir arrêter de l’étendre ».

L’urgence est donc à l’arrêt du système présent, parce qu’il détruit chaque jour plus vite, qu’il a la capacité d’anéantir durablement les conditions de vie sur Terre, et que la techno-police le rend chaque jour plus inattaquable. Qui, face à ce danger imminent, aurait le privilège de vouloir mieux faire dans 50 ans ?
Répétons que l’on ne peut rien construire sans détruire ce qui nous tue. Si votre maison brûle, vous ne pensez pas à comment mieux protéger le futur logement ; vous vous concentrez en priorité sur l’extinction de l’incendie.
Vous priorisez.

b) Quant à la question de la planification, déjà abordée plus tôt, il faut rester les pieds sur terre.

Concrètement, pour parier notre avenir sur la planification, il faut déjà admettre qu'il soit un jour possible [1] de mettre d'accord chaque pays du G20 sur la réduction définitive de toute leur puissance technoindustrielle. Qui, ici, y croit ?
Ensuite, dans combien de décennies aurait lieu cette magique prise de conscience inter-étatique ?
Même en admettant qu'elle ait lieu à temps pour gérer l'urgence climatique, disons l'année prochaine, quelle garantie que cette décroissance planifiée demeure éternellement inviolée ?
Enfin, il faut se demander si cette planification mondiale est seulement souhaitable : « Affirmer qu’au nom de l’écologie on peut légitimement outrepasser les régimes parlementaires, c’est balayer beaucoup trop négligemment la mémoire des totalitarismes. L’option éco-fasciste peut tirer parti d’une rhétorique qui fait de l’État la seule instance capable de répondre à l’urgence. Donner aux appareils bureaucratiques modernes la possibilité d’exercer le pouvoir au nom de la survie de l’espèce, n’est-ce pas ôter une nouvelle fois toute limite à l’arbitraire ? » (Les Soulèvements de la Terre, Premières Secousses)

La seule solution probable (et souhaitable) nous semble donc celle du démantèlement. Concluons avec le camarade Nestor Makhno [2] :
« Les anarchistes ne veulent pas prendre entre leurs mains l'édification de la nouvelle société. Cette édification ne pourra être réalisée que par toute la société laborieuse. Cette tâche n'appartient qu'à elle seule, et toute tentative de lui prendre ce droit doit être considérée comme anti-démocratique. »

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Footnote [1] — Nos camarades de l'AFCIA ont déjà prouvé que cela était mathématiquement improbable, rien que sur l'unique question de l'intelligence artificielle https://www.antitechresistance.org/blog/regulation-intelligence-artificielle-escroquerie  

Footnote [2] — Voir Alexandre Skirda, Autonomie individuelle et force collective : les anarchistes et l’organisation de Proudhon à nos jours, 1987. Nous avons également partagé un texte de Makhno ici https://www.antitechresistance.org/blog/discipline-revolutionnaire-nestor-makhno

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