J’ai commencé à m’intéresser à l’écologie vers l’âge de 13 ans. Je me documentais sur la déforestation et ses conséquences. J’étais horrifiée par le massacre de forêts millénaires, qui abritent tant d’espèces vivantes. Les grands-singes sont littéralement génocidés. Il n'en reste que quelques centaines sur l’île de Bornéo. L’extinction est proche pour eux (comme pour nous).
Tout autour de nous, c’est l’hécatombe. Les espèces meurent les unes après les autres. Le vivant est comme un jeu de dominos qui s’écroule. Pourquoi l’espèce humaine résisterait à sa chute ? Selon les estimations de l’IPBES, un million d’espèces sont menacées (un quart du vivant). Nous avons empoisonné le sol, l’eau et l’air. "Nous" avons modifié le climat si vite que les espèces sauvages ne peuvent s’y adapter. Nous allons au-devant de la mort, au-devant de sécheresses, de famines, de guerres climatiques, de millions de personnes sur les routes.
Plus tard, je me suis intéressée aux humains. J’ai regardé un reportage sur la fabrication de smartphones dans l’usine Foxconn en Chine, qui met des filets aux fenêtres pour empêcher les suicides. J’en ai vu un autre sur la fabrication des vêtements au Bangladesh, aux conditions de travail insoutenables. J’ai compris que le chocolat que j’aime tant provient du travail d’enfants en Afrique.
J’ai compris que mon confort reposait sur la mort et l'esclavage de millions d’humains dans le monde. J’ai du sang sur les mains, que je le veuille ou non. Je fais partie de la minorité de privilégiés, en Occident, qui bénéficie de ce système.
Nous y sommes attachés. Sa chute nous fait peur. Pourtant, elle est inéluctable.
Tout cela je l’ai compris jeune. Je savais que mon avenir serait sombre et celui de mes enfants encore plus. Je suis condamnée à vivre dans une société où l’eau vient à manquer et où l’air extérieur est irrespirable. Je me suis promis vers 14 ans que ma vie ne serait pas inutile, qu’elle serait vouée à la lutte pour la nature sauvage, pour les orang-outans qui résistent aux bulldozers. Autrement, elle n’aurait aucun sens.
Durant mes études, j’ai été séduite par les théories de la décroissance planifiée. J’étais convaincue qu’il fallait un État fort pour contraindre à une baisse drastique de la consommation. Ma mission serait donc de contribuer à faire advenir cette décroissance planifiée de l’intérieur, en intégrant les institutions et en cherchant à exercer une influence politique. Je me suis même rêvée en députée européenne !
Mais les années passant, rien de tout cela n’advenait. J’ai cru à la sobriété comme fenêtre d’opportunité pour la décroissance en 2022, mais j’ai bien vu son dégonflement rapide face aux intérêts économiques. J’ai cru à des mouvements sociaux, des luttes écologistes pour imposer un rapport de force à l’Etat et le forcer à mettre en place une décroissance planifiée. Mais rien n’a changé.
C’est alors que j’ai rencontré ATR. Un collectif qui considère ce problème à sa juste gravité, formé par les déçus du militantisme qui veulent vraiment se battre, et pas seulement laver leur conscience. J’ai été marqué par la justesse de leur analyse. J’ai rencontré des personnes sincères, qui ont mis des mots sur ce que je pensais, qui m’ont aidé à étoffer mon analyse et trouver la racine du problème. Pas l'espèce humaine, pas le capitalisme, pas la croissance. Le système industriel.
Le système est insécable. C’est tout ou rien. Se passer de l’industrie du ciment, c’est se passer de toutes les industries. Garder seulement des industries « essentielles » (industrie médicale, de l’armement, etc.), c’est tout garder, et donc foncer vers l’effondrement.
Tout porte donc à croire qu’on s’oriente vers une société techno-assistée, à l'autoritarisme justifié par l'urgence écologique. Dans des bulles technologisées et climatisées, notre consommation d’eau, d’énergie et de nourriture sera rationnée pour continuer à faire fonctionner les industries « essentielles » : le nucléaire, la production d’armement, etc. Un emprisonnement des individus pour permettre au système de perdurer, même dans une situation d’effondrement écologique.
Face au désastre écologique et social en cours, il existe une voie de sortie par le haut. Établir une stratégie d’échec en cascade au niveau mondial. Frapper de façon coordonnée des points stratégiques du système industriel partout dans le monde. Provoquer son effondrement grâce à son interconnexion.
Grâce à cela, on pourrait sauver ce qu’il reste de vie sur Terre, notamment pour les gens qui vivent encore, au Sud et ailleurs, dans des modes de vie traditionnels. Alors que ce sont les premières victimes du changement climatique, ils seraient les premiers bénéficiaires de l’effondrement du système. Aucune autre voie n'est acceptable.
Qu’importe si ce constat est parfois incompris. Avec la vérité, nous ne craignons personne. Le courage de mes camarades me porte, et je me battrai à leurs côtés.
Pour la Terre et la Liberté.
- S., 26 ans, employée à la mairie.
Militante ATR depuis 2 ans

