Blog
Extractivisme
Luttes anti-tech

Les Hongana Manyawa, peuple autochtone contre l’extraction de nickel

Par
ATR
11
July
2025
Écoutez cet article
Partagez cet article
Ngigoro, un ancien de la tribu indigène Hongana Manyawa, affirme que sa forêt ancestrale est détruite par l'exploitation minière.
Ngigoro, un ancien de latribu indigène Hongana Manyawa, affirme que sa forêt ancestrale est détruite par l'exploitation minière. Source: https://www.rfi.fr/en/international-news/20250528-nickel-rush-for-stainless-steel-evs-guts-indonesia-tribe-s-forest-home

Sur l’île indonésienne d’Halmahera, l’une des dernières tribus de chasseurs-cueilleurs d'Indonésie est menacée de disparition par la plus grande mine de nickel du monde. Un minerai indispensable à l’industrie des voitures électriques, mais aussi à l’intégralité du système industriel.

Qui sont les Hongana Manyawa ?

Dans les forêts primaires de l’île d’Halmahera, dans l’archipel indonésien des Moluques, vivent quelques 500 individus du peuple autochtone Hongana Manyawa. Ils n’ont aucun contact avec le reste du monde, hormis quelques échanges avec les 2 500 à 3 000 membres de la tribu qui se sont sédentarisés.

Mais cette forêt qui leur fournit nourriture et abri est aussi très importante sur le plan social et spirituel, les rites associés à la naissance et à la mort y étant étroitement associés. Lors des chasses, les Hongana Manyawa ne visent jamais les animaux juvéniles ou les femelles gestantes. Ils ne coupent pas non plus les arbres, qu’ils considèrent dotés d’âme ou de sentiments.

Ce peuple de chasseurs-cueilleurs nomades vit en parfaite harmonie avec son milieu naturel depuis des millénaires, s’installant temporairement dans de petits campements de branches et de feuilles avant de se déplacer pour laisser la forêt se régénérer.

Groupe nomade de Hongana Manyawa dans la forêt tropicale d'Halmahera. @AMAN Source : https://www.canopee.ong/le-media/enquetes/les-minerais-une-nouvelle-menace-sur-les-forets/

L’industrialisme se nourrit d’écocides, d’ethnocides et de génocides

Malheureusement pour ce peuple, la présence de nickel dans le sous-sol de l’île d’Halmahera a attisé les convoitises des industries françaises et chinoises. Celles-ci ambitionnent d’y créer la plus grande mine de nickel du monde, projet qui nécessitera de raser 6 000 hectares de forêt. La société industrielle est incompatible avec la liberté.

La compagnie française ERAMET a obtenu une concession de 4 500 hectares dont les trois quarts sont sur le territoire des Hongana Manyawa. Cet accaparement de leur terre met gravement en péril la survie de ce peuple, qui a montré sur le temps long sa soutenabilité écologique. D’abord, le projet de mine va détruire le territoire nourricier des tribus – les poissons et les cochons sauvages dont ils se nourrissaient ont disparus. Il y a quelques mois, des vidéos montraient des membres de la tribu affamés mendier de la nourriture auprès des mineurs. D’autre part les contacts multiples avec les 30 000 ouvriers de la mine risquent d’amener des maladies pour lesquelles les Hongana ne possèdent pas d’immunité. Le début de l’exploitation du sol en 2019 correspond à une hausse des maladies respiratoires et des cas de VIH. C’est un autre bienfait du « progrès ».

Par ailleurs, l’arrivée en grand nombre de travailleurs chinois ou indonésiens conduira inévitablement, à moyen terme, à la disparition de la langue et de la culture du peuple Hongana Manyawa.

Ainsi, la techno-solution vendue aux occidentaux pour lutter contre le réchauffement climatique passe par une déforestation intensive (et donc une diminution du puits de carbone), une atteinte irréversible à la biodiversité, une élimination de la culture d’un peuple et probablement, à moyen terme, sa disparition.

Sur le terrain, des groupes de Hongana Manyawa contactés et sédentarisés travaillent avec des ONG telles que Survival International afin de protéger leurs terres, la forêt et leur culture. Mais le combat paraît perdu d’avance. Répétons-le : l'emploi d'une stratégie de guerre d’usure est vain lors d’un conflit asymétrique. En effet, il est rare de parvenir à stopper un grand projet industriel, et si jamais les activistes y parviennent, des milliers d'autres sont menés à leur terme. La campagne anti-nickel des associations et ONG pour défendre les Hongana Manyawa est d’autant plus vouée à l’échec qu’elle associe le nickel à l’industrie des batteries, alors que cette dernière est loin d’en être la plus grande consommatrice.

Mine de nickel de Weda Bay, Indonésie. Source : https://www.youtube.com/watch?v=c5pwmV0PLVs

Le nickel, un métal essentiel au système industriel

Car le nickel présente la caractéristique de pouvoir s’allier avec une très grande variété de métaux pour obtenir des alliages ayant des propriétés très particulières (résistance mécanique ou électrique). On le retrouve dans quasiment tous les secteurs, de l’industrie automobile à l’aéronautique en passant par l’électroménager ou l’agro-industrie.

Si l’argument de la « transition énergétique » est mis en avant pour fabriquer des batteries de stockage et justifier la multiplication des mines d’extraction du nickel, l’utilisation principale de ce métal reste la fabrication d’alliages. En effet, la fabrication d’acier inoxydable absorbait à elle seule près des deux tiers du nickel produit dans le monde en 2022.

Les Hongana Manyawa et leurs terres finiraient donc dans tous les cas par être sacrifiés au nom du développement industriel, même si la production de batterie était ralentie voire stoppée. Ce qui est loin d’être le cas.

Fin juin, le président indonésien inaugurait sur l'île Halmahera le chantier d'un complexe industriel à 5,9 milliards de dollars dédié à la production de batteries de voitures électriques. L’extractivisme ne fait que s’intensifier. Plus que jamais, nous devons cesser d’implorer les exploiteurs ou de croire à une hypothétique réappropriation du système industriel. Pour préserver les derniers peuples autochtones et la diversité culturelle de la prédation industrielle, nous devons stopper le système technologique.

Cet article vous a intéressé ?

Rejoignez-nous et accédez à des contenus et formations réservés aux membres.

Nous rejoindre

Rejoignez la résistance.

ATR accueille et forme constamment de nouvelles recrues déterminées à combattre le système technologique.