En Isère, l’industrie électronique va pomper l’équivalent de 16 méga-bassines par jour
En Isère, au pied du massif alpin, l’industrie électronique accapare et pollue des millions de mètres cubes d’eau potable pour la production de puces électroniques. Ces composants étant stratégiques pour le secteur numérique, l’armée, l’aéronautique ou encore l’industrie automobile, les fabricants bénéficient comme d’habitude d’une protection de la mafia étatique.
Selon le collectif Stop Micro 38, après l’agrandissement des usines de STMicroelectronics et Soitec, les deux firmes « devraient consommer plus de 29 000 m³ par jour, soit l’équivalent de 700 000 douches, 12 piscines olympiques ou 16 méga-bassines de Sainte Soline[1] ». Face à ce vol en bande organisée, les habitants se mobilisent les 5, 6 et 7 avril prochains en défense de l’or bleu, avec un mot d’ordre : « De l’eau, pas des puces ! ». Les équipes d’ATR seront sur place aux côtés des locaux pour s’opposer aux pilleurs d’eau !
Photo : manifestation à Crolles en avril 2023 devant l’usine de STMicroelectronics.
Pillage d’une ressource vitale
Au moins 16 000 m3 d’eau par jour, soit 185 litres par seconde, c’est la quantité phénoménale d’eau prélevée par l’industrie électronique, et notamment l’usine STMicroelectronics, dans la région grenobloise. Avec son extension, STMicroelectronics prévoit d’engloutir entre 19 000 m3 et 33 500 m3 d’eau par jour dans le futur proche.
Comme si cela ne suffisait pas, les industriels de l’électronique siphonnent de l’eau potable, la même qui est distribuée par le réseau public. Par conséquent, cette surconsommation affaiblit donc les infrastructures normalement dédiées à la distribution d’eau pour les habitants, augmentant les « risques de rupture d’eau avec des impacts importants pour le territoire et même au-delà » d’après le rapport de Eaux de Grenoble Alpes[2].
STMicroelectronics a également obtenu l’autorisation de réaliser trois forages pour puiser directement dans la nappe phréatique, s’appropriant toujours plus l’eau au détriment d’usages vitaux tels que l’agriculture.
Feu vert de la préfecture pour la contamination
L’eau de cette région est particulièrement pure et peu chère, ce qui explique en partie l’implantation de l’industrie électronique près de Grenoble. Cette eau est employée pour le polissage, le lavage et le rinçage des « wafers », des plaques très fines de matériau semi-conducteur utilisées pour fabriquer des puces électroniques.
Après utilisation, l’industrie rejette 85 % de l’eau dans l’Isère et le reste disparaît par évaporation. Mais ce processus transforme une eau consommable en eau non potable. Si elle reste sous les seuils de pollution tolérés, c’est grâce à une entourloupe : STMicroelectronics, géant industriel côté en bourse et intégrant le CAC 40, bénéficie d’un arrêté préfectoral qui autorise son usine à dépasser les seuils de concentration en métaux fixés par la réglementation. Comme nous l’ont appris les historiens François Jarrige, Thomas Le Roux et Jean-Baptiste Fressoz, l’État a toujours fait passer les intérêts de l’industrie avant ceux du peuple et de la nature sauvage[3]. C’est pourquoi les technocrates qui prétendent pouvoir verdir l’industrie avec davantage de régulation sont des escrocs, voire des criminels.
En réalité, dans l’eau rejetée par l’usine, on peut constater des taux d’azote, de phosphore et de cuivre nettement supérieurs aux valeurs limites fixées par la réglementation européenne[4]. Le cocktail azote-phosphore peut entraîner la prolifération des tristement célèbres « algues vertes » qui asphyxient les écosystèmes aquatiques. Le cuivre quant à lui est toxique, notamment pour les poissons[5].
L’industrie Électronique collabore activement à l’écocide et aux guerres
Ces usines bénéficient de la grande bienveillance des autorités, jusqu’au président Macron qui a salué l’agrandissement de l’usine STMicroelectronics comme « un grand pas pour notre souveraineté industrielle ».
Selon l’idéologie industrialiste embrassée par le gouvernement (et tous les partis politiques), la réindustrialisation de la France doit avancer sans entraves, quels qu’en soient les coûts environnementaux et humains. Les plaques produites par l’industrie électronique grenobloise sont utilisées partout dans le monde pour l’aéronautique, la construction automobile ou encore l’informatique, par des entreprises qui participent activement à l’écocide planétaire telles que Apple, Huawei, Samsung, SpaceX, Tesla, etc[6].
Ce que STMicro se garde bien de dire, c’est que leurs produits servent aussi l’industrie militaire et notamment l’armée russe, malgré les embargos et l’invasion de l’Ukraine. On retrouve certains de leurs composants dans du matériel russe employé dans cette guerre, par exemple dans des drones kamikazes[7] !
Une résistance locale très active
Encore une fois, un simulacre de concertation publique a eu lieu, lequel a permis toutefois de souligner l’aspect nébuleux, en ce qui concerne les conséquences sur l’environnement, du dossier d’agrandissement de l’usine STMicroelectronics. En effet, d’après la mission régionale d’autorité environnementale :
« Le dossier présente de nombreuses lacunes qui rendent difficile la compréhension du projet et les impacts sur l’environnement de ce dernier[8]. »
Réunis notamment dans le collectif STopMicro, les opposants au projet multiplient les actions pour tenter de faire reculer la puissante industrie électronique : réunions publiques, lettres ouvertes, conférences, manifestations, etc. Les 5, 6 et 7 avril prochains, les résistants organisent un grand rassemblement intitulé « De l’eau, pas des puces : contre l’accaparement des ressources par les industries du numérique et la « vie connectée » ». Au programme : des ateliers, des conférences, une manifestation et un rassemblement[9].
Malheureusement, si informer le grand public des dégâts causés par les entreprises est nécessaire, il est vain de croire que ces luttes locales pourront renverser la tendance globale – l’extermination de la vie sur Terre organisée par les psychopathes de l’industrie. Si l’extension de STMicroelectronics est stoppée à Grenoble, c’est une autre usine, autre part, entraînant les mêmes ravages, qui prendra sa place.
L’industrie électronique s’insère dans un vaste ensemble composé, nous l’avons vu plus haut, de l’industrie informatique, de l’industrie automobile, de l’aéronautique, de l’industrie militaire, etc. Au final, elle n’est qu’un maillon du système technologique.
Les révolutionnaires qui veulent se débarrasser de l’industrie électronique n’ont d’autres choix que de réfléchir sérieusement à la mise hors service de ce système technologique, ce qui ne se fera pas sans une stratégie sérieuse et une organisation solide pour la mener à bien.
Footnote [2] — https://reporterre.net/En-Isere-l-industrie-electronique-boit-toute-l-eau
Footnote [3] — Voir François Jarrige et Thomas Le Roux, La contamination du monde : une histoire des pollutions à l’âge industriel, 2017 ; voir également Jean-Baptiste Fressoz, L’apocalypse joyeuse : une histoire du risque technologique, 2012.
Footnote [4] — https://stopmicro38.noblogs.org/files/2023/10/05-Synthese-PollutionDerogation-Rejets-Aqueux.pdf
Footnote [5] — https://fr.wikipedia.org/wiki/Intoxication_par_le_cuivre
Footnote [6] — https://investors.st.com/static-files/db4d90f3-46af-42de-b0b2-023e6b1f3f08
Footnote [7] — https://www.obsarm.info/IMG/pdf/ukraine_embargo_france_russie_web.pdf
Footnote [8] — https://www.isere.gouv.fr/contenu/telechargement/70718/561527/file/1_PDFsam_Rapport%20et%20conclusions%20ST.pdf, p.71
Footnote [9] — https://stopmicro38.noblogs.org/post/2023/12/14/5-6-7-avril-2024-de-leau-pas-des-puces/
Rejoignez la résistance.
ATR accueille et forme constamment de nouvelles recrues déterminées à combattre le système technologique.